Photos : Clotaire Mandel "Le Pedalistan"
Clotaire Mandel “Le Pedalistan”, est parti de Saint-Quentin en Picardie, à vélo, le 5 mai 2018, pour découvrir le monde dans ces grandes largeurs. Pas d’itinéraires, pas de plan précis, juste envie de “s’étendre sur la planète de tout son long”. Une façon de voyager qui sort des cases, une aventure intérieure qui change un homme. Nous l’avons découvert sur instagram et essayer de le connaître un peu plus en lisant son journal et à travers ses photos. Nous avions envie de vous faire découvrir ce navigateur au long cours. Bloqué en Nouvelle-Zélande pour cause de pandémie, il nous partage ses réflexions et ses envies. La liberté totale peut faire peur à certain, pour Clotaire, on a l’impression que c’est une nécessité. Sa “Longue Route” nous inspire et les questions viennent naturellement.
Peux-tu te présenter ?
Alors moi c’est Clotaire, 28 ans et infirmier de formation. J’ai passé cependant bien plus de temps sur la route qu’à l’hôpital. J’ai toujours pédalé, marché, grimpé donc je pense que j’étais relativement sportif. En revanche ça ne conditionne pas au voyage au long cours à vélo, et finalement le corps s’adapte tout seul en peu de temps. C’est ce qu’à peu près tout le monde dit et je le pense aussi.
Présente-nous ton projet de voyage
Et bien projet c’est un bien grand mot. Je suis parti il y a presque 2 ans maintenant et je crois que le projet s’est monté petit à petit. Comme je pars vite dans tous les sens, je ne voulais pas prévoir quelque chose trop long et trop loin. Enfin, c’est ce que je visais au fond de moi, mais je ne voulais pas que ça soit dans la tête de tous pour une raison idiote. Simplement que si j’ai à revenir plus tôt que prévu en étant allé moins loin que prévu je ne voulais pas avoir à répondre à des questions qui m’auraient donné le sentiment de rendre des comptes.
Je suis donc parti sans destinations finales. Une fois que je me suis senti vraiment heureux à vélo et désireux de continuer, j’ai annoncé que j’allais traverser l’Afrique. Puis arriver en Afrique du sud, j’ai plus ou moins fait comprendre qu’il n’y avait plus de destinations. Que j’évoluais là où mon coeur me disait de le faire. Et que ça suffisait pour rouler de manière indéterminée. Je trouve ça beau de protéger son réel projet et de le conserver pour soi. Mais globalement, je voulais me débarrasser de date retour.
Quel a été le déclic, le point de départ de ce voyage ?
C’est, pour ma part, un long processus. Et il est vraiment émaillé de plein de choses. Mais je pense que par-dessus tout je voulais abolir les notions de temps et de distances. Je voulais m’étendre sur la planète de tout mon long. Le peu que j’ai travaillé, j’ai tenu par le simple fait que tout ça m’aiderait à accomplir ce que je voulais réellement faire de ma vie. Car c’est ça aussi l’idée. Je fuis l’idée d’être une tête et un corps modelé pour une tâche quasi unique et qu’autour de ça vient se greffer le même décor, les mêmes personnes. Ça paraît cliché dit comme ça, mais finalement je crois que chez certain se révèle un caractère taillé pour la route et allergique à la sédentarité.
Comment as-tu préparé ce voyage ? matériel, entrainement, parcours…
Niveau matériel pour avoir voyagé à pied et à vélo auparavant, et ce depuis tôt, je n’ai pas eu de soucis à savoir ce qu’il me fallait. Mais je crois malgré tout qu’il n’y a pas d’autre préparation que le temps et l’expérience qui nous font comprendre comment nous-mêmes fonctionnons. Les deux s’adaptent l’un à l’autre. Donc pas trop de prise de tête de ce côté-là. Simplement avoir du matériel en qui je peux avoir confiance et qui me permet de rouler sereinement.Pour l'entraînement, j’avais géré un bar au Maroc pendant les 6 mois qui ont précédé le départ à vélo donc niveau préparation je ne suis pas sûr que je sois un exemple ! Doucement au début, et beaucoup s’écouter. Mais j’avais la forme malgré tout.La forme c’est un point, mais ce qui est important c’est de comprendre que le corps est soumis à la répétition quotidienne de l’effort. Et seul le temps peut offrir au corps de s’adapter.
Alors le parcours, je me suis révélé un peu allergique à trop de préparation aussi. Du début ce fut le flou constant. D’une ville à l’autre, puis d’un pays à un autre, choisi au fur et à mesure. Je me suis retrouvé à faire de sacré boucles en Europe par plaisir d’aller me trouver dans certains endroits. À l'instinct donc ! Et aussi rapport a la météo, fuyant la pluie le plus possible ! Ensuite en Afrique c’est assez simple. Souvent les possibilités ne sont pas légions...
Quel était le programme au départ, les pays ou les régions que tu voulais aller voir ? est-ce que tu as respecté ton plan ou tu as dû t’adapter ?
J’en ai trop dit au-dessus ! Mais je n’avais rien à respecter puisque rien de prévu. Et ça aussi ça comptait pour moi dans la démarche de ce départ. Une pas avoir de plan ou de règle à respecter. Et j’ai roulé les premiers mois avec un ami qui avait la même philosophie. Souvent on se penchait sur la carte en buvant le café du matin. Aussi simple que ça. Et honnêtement ? C’est une des richesses que j’ai trouvées dans ce voyage. Aller selon ses envies.Le fait de ne pas avoir de pression de temps ça aide aussi. Donc selon les envies. L’idée de base était de rejoindre l’Ukraine, pays où je souhaitais vraiment poser les roues. Jusque là-bas, au feeling. Et après ? Une fois posés à Lviv on a mis la carte sur la table et on a regardé où nous voulions aller. C’est le plan qui s’adapte à moi, et pas l’inverse.
La situation mondiale actuelle t'oblige à changer tes plans j'imagine, explique nous comment tu vas faire ?
Je crois que je suis un des seuls cyclistes de mon entourage à finalement ne pas être dans cette situation. J’entends par là qu’à l’heure actuelle je suis en Nouvelle-Zélande, et que j’avais prévu d’y aller de toute façon. Je suis arrivé un peu plus tôt et commencerais à travailler plus tard mais en soi, ça ne change pas énormément mes plans. Ça me force simplement à attendre. Et comme je n’avais pas de plan précis, encore une fois, je ne suis pas si bousculé que ça.
Tu voyages seul, est-ce que ce choix te pèse parfois ou justement tu te sens plus libre de faire exactement ce que tu veux ?
J’aime bien être seul, et paradoxalement je rencontre pas mal de gens sur la route donc je suis souvent accompagné. Ça va et ça vient. Le choix pèse parfois c’est sur. Plus pour des questions intimes et sentimentales je pense. Parfois les endroits sont trop beaux pour qu’ont les savourent seuls. Et pourtant…Je me sens extrêmement libre seul. Enfin, je dirais que j’intellectualise cette liberté seulement lorsque je roule à plusieurs. Là je comprends que mes habitudes sont bousculées et qu’il me faut m’adapter. Si je n’en ai pas envie je reprends la route seule. Et sinon j’apprends à vivre en société, en mettant de côté certaines choses, ce qui est loin d’être évident pour moi parfois. Une fois que l’on accepte que le monde continue de tourner pour les autres sans notre présence, c’est surtout le manque d’amour et de simple tendresse qui manque. Tout ça prend ses lettres d’or alors lorsque l’on goûte au manque. Mais c’est tant mieux. Ça change un Homme.
Si tu devais repartir en voyage, quelles sont les choses que tu changerais ?
Je crois que ça sera un voyage sans fin. Je ne vois pas ce que je pourrais faire d’autre. Plus j’y pense et moins je comprends comment on peut vivre autrement. Et si j’avais quelque chose à changer ça serait peut-être à l’avenir de varier le mode de transport. Je ne suis pas prêt du tout à quitter le vélo pour le moment mais je commence à rêver de voilier.
En quelques mots, qu'est-ce que tu dirais à quelqu'un qui hésite à partir en voyage à vélo, comme toi ?
Je dirais simplement que le voyage à vélo est modulable à l’infini, et qu’alors aucune excuse n’est valable pour s’en priver. Ça peut être quelques jours ou quelques années, loin ou pas. Seul ou pas. Après avoir dépensé des milliers d’euros de matériel ou pas. On peut se laver chaque jour ou pas, dormir dehors ou non. Tellement de possibilités que toute envie devrait se solder par un essai. Essai qui colle à ses attentes. Un petit essai pas trop loin pour commencer. Puis si l’envie vient, plus loin et plus longtemps.
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